Nicholas Bellefleur







À VENIR




23.05 - 08.06

PERFORMANCE

La nuit nous appartient — Festival Carrefour (QC) 

29.05 + 05.06

ATELIER

PRAXIS / proto studio (QC) 



01+08+15+22.06

CLASSE

LFDTCLASS / proto studio (QC) 




09-13.06

RÉSIDENCE

StoneBoat Arts Centre (ON)



29.06 

ATELIER

Écologies Déviantes — Festival Virage



04.07 

PERFORMANCE

Cabaret Extravaganza (QC)



10-18.07 

VISITE

Bühnen Ballet / Bern (CH)



19-25.07 

PERFORMANCE

Biennale di Venezia (IT) 



26.07-03.08  

VISITE

Marseille (FR)



(fr) Danse, jeu et pensée critique : pour une pédagogie incarnée de la créativité.


En tant qu’artiste en danse et pédagogue, je m’intéresse aux liens entre mouvement, cognition et apprentissage. Mon travail part d’une intuition profonde : la danse — notamment dans ses formes improvisées — constitue un terrain fertile pour exercer la pensée critique. Improviser en danse, c’est résoudre des problèmes en temps réel. C’est répondre à des contraintes physiques, spatiales, temporelles. C’est mobiliser l’imagination pour transformer l’inconfort, contourner l’obstacle, accueillir l’inattendu. Bref, c’est penser — mais penser avec, grâce et à travers1 le corps.

À la base de cette approche se trouve un principe fondamental :
Creative thinking is critical thinking (La pensée créative est une forme de pensée critique).

Or, dans une société québécoise marquée par la technocratisation du quotidien, la rationalisation des gestes et une culture de la performance, la créativité tend à être marginalisée, considérée comme secondaire, voire réservée aux professionnel·les dans les domaines artistiques.. Pourtant, la créativité est au cœur de la pensée critique et se doit de redevenir une une partie intégrante de l’expérience humaine, comme le rappellent les travaux de bell hooks2, Paulo Freire3 et Maxine Greene4, qui prônent tous·tes une éducation émancipatrice, capable d’élargir la perception du possible. La capacité de créer — c’est-à-dire d’inventer des réponses inédites à des situations nouvelles — est essentielle à toute vie humaine.

D’ailleurs, la créativité se manifeste dans les petites histoires5 du quotidien : une route est barrée et on improvise un nouvel itinéraire, on cuisine un repas avec les restants sans suivre de recette, un parent répond créativement à un geste ou aux paroles spontanées de son enfant. Dans ces situations, nous exerçons une intelligence adaptative.

Ces gestes quotidiens témoignent d’une créativité déjà en mouvement — mais souvent invisible, banalisée, voire méprisée dans une société qui réserve l’innovation à des élites ou à des secteurs productifs spécifiques. Pourtant, imaginez un instant ce qui pourrait émerger si cette créativité, au lieu d’être accidentelle ou confinée à la survie, devenait cultivée, entraînée, valorisée, amplifiée.



Et si elle contaminait d’autres sphères de l’existence — le monde du travail, l’éducation, les institutions, la politique — souvent figées dans des logiques de contrôle, d’efficacité ou d’obéissance ? Et si l’on considérait la créativité comme un droit humain fondamental ? Un moyen de désapprendre les réflexes conditionnés, de déjouer les récits dominants, de désobéir à l’absurde — pour mieux réinventer nos manières d’être ensemble, de faire société, de prendre soin du vivant.

C’est cette vision que je cherche à incarner par la danse, par l’improvisation, par le jeu : des pratiques qui n’ont rien de frivole, mais qui sont radicalement transformatrices. Elles invitent à penser avec le corps, à apprendre par l’expérience, à développer une conscience critique enracinée dans le mouvement. Elles forment un entraînement à la liberté. Une manière de résister — et de rêver.

Le jeu comme déclencheur de plasticité.



Le jeu n’est pas un luxe. Il est une méthode d’apprentissage fondamentale. Les neurosciences cognitives, notamment les travaux de Catherine L’Ecuyer6, Daniel Siegel7 ou Alison Gopnik8, ont démontré que l’apprentissage est plus profond et durable lorsqu’il s’appuie sur le jeu, l’exploration, la curiosité et le plaisir. Ces conditions activent le système limbique, favorisent la sécrétion de dopamine, et créent un terrain neurobiologique propice à la consolidation de nouvelles connexions synaptiques — autrement dit, à la plasticité cérébrale (Doidge, The Brain That Changes Itself, 2007).

Contrairement à ce qu'on a longtemps cru, le cerveau n’est pas un système figé : il est vivant, dynamique et transformable, même à l’âge adulte. À chaque fois qu’on apprend quelque chose de nouveau, qu’on change une habitude ou qu’on vit une expérience marquante, le cerveau réorganise ses connexions. Il crée de nouveaux chemins, renforce certains liens, en abandonne d’autres.

On peut imaginer cela comme un paysage malléable, où les expériences sculptent des sentiers. Plus on emprunte un chemin (par exemple une compétence, une pensée, un mouvement), plus celui-ci devient familier et facile à suivre. Inversement, un chemin peu emprunté s’estompe avec le temps.

Cette capacité d’adaptation est particulièrement importante dans les pratiques artistiques et pédagogiques. Car elle signifie qu’en bougeant différemment, en jouant, en improvisant, on ne fait pas que « s’exprimer » : on transforme littéralement la manière dont on pense, perçoit et agit dans le monde.

Des recherches en neurosciences cognitives confirment que le jeu facilite l’apprentissage, en stimulant la plasticité cérébrale — cette capacité du cerveau à modifier ses réseaux neuronaux en fonction de l’expérience. Contrairement à une approche fondée sur l’accumulation de savoirs abstraits ou de gestes imposés, le jeu rend l’expérimentation sécurisante, voire joyeuse. Et dans la joie, la résistance de l’égo se détend, et rend disponible l’intégration et la mémorisation de nouveaux chemins, de nouvelles idées, de nouveaux possibles. Dans les ateliers que je guide, le jeu devient ainsi une stratégie pédagogique centrale pour ouvrir l’imaginaire, désamorcer la peur de l’erreur, et favoriser l’intégration des apprentissages.


Un savoir qui s’éprouve avant de se nommer.



Le corps et l’esprit n’apprennent pas au même rythme.


L’une des convictions fortes de ma pratique est que le corps et l’esprit existent sur deux lignes parallèles. L’un pense en mots, l’autre en sensations, en rythmes, en gestes. Le corps ne conceptualise pas : il connaît. Il n’explique pas : il démontre. Il apprend par l’expérience, la mémoire kinesthésique, le ressenti. Et lorsque le corps découvre une solution — à travers le jeu, la contrainte, l’improvisation — cette connaissance se grave en nous d’une manière que le cerveau rationnel ne pourrait pas produire seul. 



Il faut vivre quelque chose pour réellement l’intégrer. On a beau me dire à maintes reprises de ne pas mettre ma main sur le rond chaud de la cuisinière, si je ne le vis pas avec, grâce et à travers mon corps et mes sens, je ne comprendrai jamais la gravité des conséquences (la douleur, dans ce cas-ci) d’une telle situation. Le corps enregistre subtilement et profondément, dans son système nerveux, lié aux autres systèmes du corps et au cerveau.

Encore, le corps et l’esprit fonctionnent selon des temporalités distinctes. L’esprit rationnel privilégie la rapidité, la catégorisation, l’analyse. Le corps, quant à lui, apprend par la lenteur, la répétition, l’essai-erreur. Il produit un savoir expérientiel, souvent non verbal, que j’appelle une forme de deep knowing : une connaissance qui ne se dit pas immédiatement, mais qui s’imprime, se révèle, s’intègre au fil du temps.

Dans cette perspective, la danse improvisée devient un lieu d’harmonisation entre ces deux dimensions. Le corps vit une expérience. L’esprit peut ensuite l’observer, en tirer du sens. Le sens vient après le vécu. C’est une pédagogie du détour, du tâtonnement, du dialogue entre les perceptions sensorielles et les constructions mentales.


La danse improvisée permet de créer un pont entre ces deux dimensions. Le corps vit d’abord une situation. L’esprit, ensuite, peut l’observer, en tirer du sens. C’est une pédagogie différée, où la compréhension arrive après l’intégration corporelle. Cette idée est centrale dans les approches somatiques (Thomas Hanna, Bonnie Bainbridge Cohen, Linda Hartley), qui affirment que le corps sait avant que l’esprit comprenne. Le sens émerge du vécu, pas l’inverse.
Une pédagogie pour élargir le réel
En plaçant la danse, le jeu et l’improvisation au cœur de ma pédagogie, je cherche à créer des environnements d’apprentissage où chacun·e peut exercer sa capacité à imaginer autrement. Ce que j’observe au fil des ateliers, c’est que cette pratique développe bien plus que des habiletés physiques : elle renforce la capacité d’adaptation, la tolérance à l’ambiguïté, l’écoute fine, la résilience face à l’imprévu. Autant de qualités essentielles dans un monde en mutation.

​​Je conçois la danse comme un outil de connaissance de soi, de transformation collective, et d’amplification de la réalité. En posant des problèmes à résoudre — par le mouvement, la relation, l’espace — l’improvisation ouvre des chemins multiples. Chaque réponse devient une preuve : la créativité n’est pas un don, mais une compétence accessible, transversale, nécessaire.


Dans mes cours, je propose des exercices qui imposent au corps des contraintes spatiales, relationnelles ou temporelles. Il ne s’agit pas de “faire de la danse” mais de résoudre un problème physique, par l’invention. Ce processus aiguise l’attention, développe une intelligence situationnelle, ouvre des chemins inédits. Ici, penser devient un acte incarné. Le jeu est un terrain d’exploration rigoureux.

L’adaptabilité, la coopération, la pensée divergente, la résilience font que mes cours s’inscrivent dans une vision élargie de l’éducation — non pas comme transmission descendante de savoirs fixes, mais comme co-construction d’un savoir vivant, incarné, collectif.

En défendant une danse accessible à tou·tes, je milite pour une pédagogie inclusive, expérientielle et transformatrice. Une pédagogie qui honore la diversité des corps et des intelligences. Une pédagogie où le jeu, loin d’être un divertissement, devient un acte politique : celui d’ouvrir l’espace du possible, d’élargir les imaginaires, et d’apprendre à vivre dans un monde mouvant.



Et je ne suis pas la seule personne qui approche la danse dans cette optique. 

*Insert resources here*  

(en) Dance, Play, and Critical Thinking: Toward an Embodied Pedagogy of Creativity.


As a dance artist and educator, I’m deeply interested in the relationship between movement, cognition, and learning. My work stems from a core intuition: dance—particularly in its improvised forms—is fertile ground for critical thinking. To improvise in dance is to solve problems in real time. It is to respond to physical, spatial, and temporal constraints. It is to harness the imagination in order to move through discomfort, bypass obstacles, and welcome the unexpected. In other words, it is to think—but to think with, through, and thanks to the body.

At the heart of this approach lies a simple but radical principle:
Creative thinking is critical thinking.

Yet in contemporary Québec society—where daily life is increasingly technocratic, gestures are rationalized, and performance is valorized—creativity is often sidelined, seen as secondary, or reserved for professionals in the arts. But creativity, as bell hooks, Paulo Freire, and Maxine Greene remind us, is central to critical thought and must be reclaimed as an essential part of human experience. All three advocate for emancipatory education—education that expands our sense of what is possible. The ability to create—to invent new responses to unfamiliar situations—is a vital human capacity.

We see this creativity at work in everyday “small stories” (to borrow the term used by D. Soyini Madison): when a road is closed and we invent a new route, when we cook a meal from leftovers without a recipe, when a parent responds playfully to their child’s spontaneous words or gestures. In these moments, we engage adaptive intelligence.

These small gestures show that creativity is already in motion—but often unrecognized, trivialized, or even dismissed in a society that reserves innovation for elites or specific sectors of productivity. But what if this creativity were no longer accidental or tied to survival? What if it were nurtured, trained, valued, and amplified?

What if it were allowed to seep into other areas of life—work, education, institutions, politics—often locked in logics of control, efficiency, and obedience? What if we treated creativity as a fundamental human right? A way to unlearn conditioned reflexes, subvert dominant narratives, and disobey the absurd—so we can reimagine how we live, relate, and care for the living world?



This is the vision I aim to embody through dance, improvisation, and play—not as frivolous acts, but as radically transformative practices. They invite us to think through the body, to learn through experience, and to cultivate a critical awareness grounded in movement. They train us in freedom. They offer a form of resistance—and a space to dream.



Play as a Catalyst for Neuroplasticity.



Play is not a luxury. It’s a fundamental method of learning. Cognitive neuroscience—including the work of Catherine L’Ecuyer, Daniel Siegel, and Alison Gopnik—has shown that learning is deeper and more lasting when it’s rooted in play, exploration, curiosity, and joy. These conditions activate the limbic system, release dopamine, and create a neurobiological environment conducive to building new synaptic connections—in other words, they support neuroplasticity (Doidge, The Brain That Changes Itself, 2007).

Contrary to earlier beliefs, the brain is not a fixed system. It is dynamic, living, and malleable—even in adulthood. Every time we learn something new, shift a habit, or undergo a significant experience, the brain reorganizes itself. It builds new pathways, strengthens some connections, lets go of others.

You can imagine it as a malleable landscape, where experience carves out trails. The more we use a path—be it a skill, a thought, a gesture—the more familiar and accessible it becomes. Conversely, unused paths fade over time.

This adaptive capacity is especially important in artistic and pedagogical contexts. Because when we move differently, play, or improvise, we’re not just “expressing ourselves.” We’re reshaping how we think, perceive, and act in the world.

Scientific research confirms that play facilitates learning by stimulating brain plasticity. Unlike pedagogies that rely on passive knowledge accumulation or imposed gestures, play allows for experimentation in a way that feels safe—even joyful. And in joy, the ego’s resistance softens, making room for the integration and retention of new pathways, ideas, and possibilities.

In my workshops, play becomes a core pedagogical strategy—a way to unlock the imagination, diffuse fear of failure, and encourage embodied learning.


Meaning Comes After Experience: A Knowledge That Is Felt Before It’s Named.



The body and the mind don’t learn at the same pace.

A core belief in my work is that the body and the mind exist on parallel lines. The mind thinks in words; the body in sensations, rhythms, and gestures. The body doesn’t conceptualize—it knows. It doesn’t explain—it shows. It learns through experience, kinesthetic memory, and felt perception. And when the body finds a solution—through play, constraint, or improvisation—it stores that knowledge in ways the rational mind alone cannot.



Experience is necessary for true integration. You can tell me again and again not to touch a hot stove, but unless I feel it—with, through, and thanks to my body and senses—I won’t fully understand the consequences. The body records information subtly and deeply, through the nervous system, in relationship to the rest of the body and the brain.

The body and mind also operate on different timelines. The rational mind favors speed, categorization, and analysis. The body learns through slowness, repetition, and trial-and-error. It produces what I call deep knowing—a kind of understanding that doesn’t show up right away in words, but slowly emerges, reveals itself, and integrates over time.



In this light, improvised dance becomes a space for harmonizing these two dimensions. The body lives the experience. The mind reflects on it afterward. Meaning arises from the lived moment—not before. This is a pedagogy of detour, of exploration, of dialogue between sensation and thought.

This idea is central to somatic practices (Thomas Hanna, Bonnie Bainbridge Cohen, Linda Hartley), which affirm that the body knows before the mind understands. The meaning arises from the experience—not the other way around.



A Pedagogy That Expands Reality.



By placing dance, play, and improvisation at the core of my pedagogy, I aim to create learning environments where people can exercise their capacity to imagine otherwise. What I’ve seen over time is that this practice builds far more than physical skills. It cultivates adaptability, tolerance for ambiguity, deep listening, and resilience in the face of uncertainty. These are vital skills in a changing world.

I see dance as a tool for self-knowledge, collective transformation, and the expansion of reality. Improvisation presents us with problems to solve—through movement, relationships, space—and in doing so, opens up multiple paths. Each response becomes evidence that creativity is not a gift, but a learnable, transferable, and necessary skill.

In my classes, I propose exercises that place physical, spatial, or relational constraints on the body. The goal isn’t to “do dance” in a conventional sense, but to invent physical responses to given challenges. This sharpens awareness, develops situational intelligence, and opens new neural and relational paths. Here, thinking becomes an embodied act. Play is a rigorous terrain of exploration.

Adaptability, cooperation, divergent thinking, and resilience make my classes part of a broader educational vision—not as the top-down transfer of fixed knowledge, but as the co-creation of living, embodied, and collective understanding.

By advocating for dance as a practice open to all, I am committed to an inclusive, experiential, and transformative pedagogy. One that honors the diversity of bodies and intelligences. One where play, far from being a distraction, becomes a political act: the act of expanding what is possible, stretching our imaginations, and learning to live in a shifting world.



Notes
               1 Je fais doucement référence à l'expression qu’Isabelle Stengers emploie souvent dans ces écrits “
               2 bell hooks, Teaching to Transgress
               3 Paulo Freire, Pedagogy of the Oppressed
               4 Maxine Greene, Releasing the Imagination
               5 Je reprends ici le terme que D. Soyini Madison emploie (en anglais ‘’small story’’) lors de sa conférence ‘’Performance Ethnography : Staging Water Rites’’ 
               6 Catherine L’Ecuyer, Cultiver l’émerveillement : La pédagogie du réel, 2019
               7 Daniel J. Siegel, The Developing Mind
               8 Alison Gopnik, The Philosophical Baby

Voir aussi 
               Bonnie Bainbridge Cohen, Sensing, Feeling, and Action
               Norman Doidge, The Brain That Changes Itself
               Thomas Hanna, Somatics: Reawakening the Mind’s Control of Movement, Flexibility, and Health


ç

Contact.


Adresse postale


5333 A
venue Casgrain #1107
Montréal (QC) H2T 1X3


Email


nicbellefleur@gmail.com




Facebook


Nicholas Bellefleur




Instagram


eautraitee_________




©NB2025